- régner
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• 980; lat. regnare, de regnum → règneI ♦ Exercer le pouvoir monarchique. Roi, prince qui règne. ⇒ régnant. Être en âge de régner. « Le roi n'administre pas, ne gouverne pas, il règne » (Thiers ). Régner pendant vingt ans, régner vingt ans; les vingt ans que ce prince a régné. — Loc. Diviser pour (mieux) régner : créer des rivalités, des discordes entre ceux qu'on gouverne, qu'on dirige, afin qu'ils ne s'unissent pas contre le dominateur.♢ « Celui qui règne dans les cieux » (Bossuet) :Dieu.II ♦ Par ext.1 ♦ (1228) Exercer un pouvoir absolu. « Tu es mon maître [...] règne à jamais sur moi » (Stendhal). Il règne en maître dans la maison. ⇒ dominer. « Il ne dépend pas de nous d'avoir ou de n'avoir pas des passions, mais il dépend de nous de régner sur elles » (Rousseau). — (Animaux) La jungle où règnent les fauves.2 ♦ (Choses) Avoir une influence prédominante. Cette justice « que nous voulons faire régner sur le monde » (Martin du Gard). « Une tristesse paisible, un calme désespéré régnaient sur le cœur de Jean-Paul » (F. Mauriac).♢ (1670) Avoir cours, être en crédit ou en vogue. « Des opinions étrangères à celles qui règnent en France » (Mme de Staël). ⇒ prédominer.III ♦ Dans un sens très affaibli (sujet chose)1 ♦ Exister, s'être établi (quelque part). « L'horrible confusion qui régnait en Allemagne » (Duhamel). Le bon accord qui règne entre nous. Faire régner l'ordre. La confiance règne. Iron. Vous vérifiez tous les comptes ? Eh bien, la confiance règne ! — Le silence qui règne dans un lieu.2 ♦ Archit. Se dit d'un élément d'architecture ou de décoration qui s'étend tout au long de (qqch.). « quelques ouvrages de terre, autour desquels règne un large fossé » (abbé Prévost).Synonymes :- dominer- régenter- régirÊtre bien établi quelque partSynonymes :- prédominer- prévaloir- primerrégnerv. intr.d1./d Exercer le pouvoir souverain, monarchique. Louis XIV régna sur la France pendant soixante-douze ans.|| Par ext. Exercer un pouvoir.— Fig. Régner sur un coeur.d2./d (Choses) Avoir cours, prédominer. Le mauvais temps règne sur le pays.⇒RÉGNER, verbe intrans.A. — [Le suj. désigne une pers., parfois un ensemble de pers.]1. Domaine pol.a) [Le suj. désigne un monarque] Exercer le pouvoir souverain, généralement par droit héréditaire, parfois par élection ou par désignation. Régner seul(e); régner en paix, sans conteste; régner par le glaive, par la loi, par la terreur; être appelé à régner. Louis XVIII a régné aussi longtemps que Napoléon (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 416).— [Le suj. désigne une famille, une dynastie] Avoir un de ses membres qui règne, généralement par voie héréditaire. La papauté seule fait encore régner la maison de Savoie (GONCOURT, Journal, 1882, p. 159).— Régner en, sur (un État), sur (les habitants d'un État). Régner en France, sur un peuple. Je n'ai désiré d'être reine Que pour régner (BÉRANGER, Chans., t. 1, 1829, p. 164). Le duc Hermann régnait en Thuringe, et le roi André en Hongrie (MONTALEMBERT, Ste Élisabeth, 1836, p. 1). Les aînés des familles ayant régné sur la France avaient été exilés (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 241).— Le roi règne et ne gouverne pas. [Formule attribuée à Thiers en 1830 pour définir les fondements de la monarchie constitutionnelle] V. gouverner ex. 17.b) P. anal.— [Le suj. désigne une pers. autre qu'un monarque, parfois un ensemble de pers.] Avec la suprématie des Médicis, la paix s'est établie à Florence; des bourgeois règnent et règnent tranquillement (TAINE, Philos. art, t. 1, 1865, p. 128). N'oublions pas que nous étions alliés il y a seulement vingt ans, alors que Staline régnait (BEAUFRE, Dissuasion et strat., 1964, p. 180).— [Le suj. désigne Dieu ou une divinité] Dieu, Celui qui règne dans les cieux. Ô rapide Artémis, qui règnes sur les monts (MORÉAS, Iphigénie, 1900, V, 4, p. 162).2. Exercer une influence prédominante, avoir un pouvoir absolu dans différents domaines, sur une ou plusieurs personnes. Régner dans le cœur de qqn; régner en despote, en tyran; régner sur qqn, sur la vie de qqn, sur les esprits. Là règne ouvertement cette classe privilégiée que je trouve, ici, à demi engourdie (STENDHAL, L. Leuwen, t. 2, 1835, p. 160). David règne en maître sur les arts (NOLHAC, Fragonard, 1931, p. 183).3. Expr. Diviser pour régner. Opposer des personnes pour mieux les dominer. M. de Charlus aimait aussi à (...) brouiller, diviser pour régner (PROUST, Prisonn., 1922, p. 277).B. — [Le suj. désigne une chose]1. Occuper une place prépondérante, exclusive; exercer une influence importante; avoir un rôle prépondérant, exclusif.a) [Le suj. désigne une chose concr.] Des organes physiques différents règnent dans le sommeil et dans la veille (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 116):• 1. Dans certaines rues désertes et en province, les jardins sur les fenêtres ont encore plus d'importance; c'est là que règnent la capucine, le haricot d'Espagne à fleurs rouges et surtout le cobaea.KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 191.b) [Le suj. désigne une chose abstr.] Régner dans l'âme, sur le visage de qqn; régner sur le monde, sur la terre. Passion fougueuse et qui règne en souveraine (BALZAC, Corresp., 1822, p. 156). Encore si le désir eût seul régné sur leurs caprices! (MAURRAS, Chemin Paradis, 1894, p. 193).c) En partic.— [Le suj. désigne un vent déterminé] Être le plus fréquent (en un lieu donné, à une époque donnée). Le vent d'est, qui règne ici à cette époque, soufflait par bouffées fraîches (PESQUIDOUX, Livre raison, 1932, p. 2).— [Le suj. désigne un fléau, une maladie] Sévir. Régner dans la ville. J'observe en ce moment une maladie perdue (...). Une maladie qui règnait au moyen âge (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 394). Un pays pauvre, il est vrai, mais (...) où la disette n'avait pas régné cette année-là (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 415).2. a) [Le suj. désigne une chose abstr. ou un inanimé rel. à l'environnement] Exister, s'établir, durer. La période tertiaire aurait régné pendant cinq cent mille ans auparavant (FLAMMARION, Astron. pop., 1880, p. 100). Sans doute, l'harmonie avait-elle d'abord régné entre Patch et d'Argenlieu (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 191).SYNT. La nuit, la paix règne; le calme, le silence règne dans l'assemblée, dans la maison, dans la pièce; l'esprit, le bon goût règne chez une personne; la confusion, le désordre, l'incertitude règne; faire régner la justice, l'ordre.— P. antiphr. La confiance règne(!):• 2. CONSTANT: (...) Tout de même, dites-moi ce qui se passe. Le coupable est entré dans la voie des aveux? HENRIETTE: Rien du tout! Filez! Peut-être vous donnera-t-on des nouvelles, ce soir. CONSTANT: La confiance règne. Eh bien! je vais admirer les tableaux de Vuillard.BERNSTEIN, Secret, 1913, I, 4, p. 7.b) Vieilli, littér. [Le suj. désigne une ou plusieurs choses concr.; avec des compl. de lieu, de manière] Être établi, occuper une place, une superficie déterminée. Régner alentour, au fond d'un lieu, jusqu'à un endroit. Plage déserte et inculte qui règne le long de la mer (STENDHAL, Abbesse Castro, 1839, p. 187). Le salon, vaste pièce autour de laquelle régnaient des armoires pleines de fossiles (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 490).— ARCHIT. [Le suj. désigne un élément, un ornement d'édifice] S'étendre en longueur, de façon continue sur une façade, sur le pourtour extérieur ou intérieur d'un édifice. À l'intérieur de la salle et à une médiocre hauteur, règne une galerie circulaire qui sert au service (MÉRIMÉE, Ét. anglo-amér., 1870, p. 148).3. [Le suj. désigne une chose abstr., un système] Avoir cours, être en vogue, en crédit. Régner aujourd'hui, encore, partout; régner à Paris, à la cour, dans le monde, dans les écoles, en ces lieux. Le cannibalisme a longtemps régné chez les ancêtres des peuples les plus civilisés (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 62). Le plan Baruch (...) avait été conçu à une époque où régnait la conception erronée que l'uranium était peu répandu à la surface du globe (GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p. 67).4. À la forme impers. Il règne un air pur, une chaleur accablante, une odeur délicieuse. Il y régnait encore une sorte d'étiquette qui en excluait la liberté (JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p. 274). Il régnait un grand silence dans la campagne (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 187).Prononc. et Orth.:[], [-], (il) règne []. Ac. 1694, 1718; re-; dep. 1740: ré-. Conjug. v. abréger. Étymol. et Hist. A. 1. 2e moit. Xe s. « exercer le pouvoir monarchique » (St Léger, éd. Linskill, 15); ca 1145 p. anal. en parlant de Dieu (WACE, Conception N.-D., éd. W.-R. Ashford, 817); 2. fin Xe s. « exercer une domination spirituelle » en parlant du Christ (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 372). B. 1. 1174-75 « exercer une influence prépondérante » en parlant de choses abstraites (ÉTIENNE DE FOUGÈRES, Manières, éd. R. A. Lodge, 5a); 2. XIIIe s.: « exercer une autorité souveraine » (Isopet de Lyon, 130 ds T.-L.); 1650 régner sur (CORNEILLE, Don Sanche, I, 2); 3. 1681 « avoir cours, être en crédit » (BOSSUET, Hist., II, 8 ds LITTRÉ); d'où 1731 « sévir » en parlant d'une maladie (VOLTAIRE, Charles XII, 7, ibid.). C. 1532 « exister; se manifester » (RABELAIS, Pantagrueline Prognostication, VIII, éd. M. A. Screech, p. 25). Empr. au lat. regnare « être roi », « exercer le pouvoir absolu », dér. de regnum (v. règne). Fréq. abs. littér.:4 278. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 9 188, b) 4 897; XXe s.: a) 4 715, b) 4 887.régner [ʀeɲe] v. intr. [CONJUG. céder.]ÉTYM. 980; lat. regnare, de regnum. → Règne.❖———I Exercer le pouvoir monarchique. || Roi, prince qui règne. ⇒ Régnant. || Être en âge de régner (→ S'asseoir, monter sur le trône). || « Je chante (cit. 18) ce héros qui régna sur la France ». || Régner pendant vingt ans, régner vingt ans; les vingt ans que ce prince a régné. ☑ Diviser pour régner. || Qui ne sait pas dissimuler (supra cit. 1) ne sait pas régner. || Régner par soi-même (→ Gouverner, cit. 31). || « Le roi n'administre pas, ne gouverne pas, il règne » (Thiers). ⇒ Gouverner (cit. 42 et 43).1 Moi régner ! Moi ranger un État sous ma loi,Quand ma faible raison ne règne plus sur moi !Racine, Phèdre, III, 1.2 Les rois ne possèdent pas. Ils « règnent » sur. C'est très différent.Saint-Exupéry, le Petit Prince, XIII.♦ (En parlant de Dieu). || « Celui qui règne dans les cieux » (→ Appartenir, cit. 20; et aussi exister, cit. 2).———II Par ext.1 (Personnes). Exercer un pouvoir absolu (d'ordre moral, sentimental, etc.). || Régner sur qqn (→ Effroi, cit. 3; esclave, cit. 15). || Régner sur l'esprit d'un homme, d'une femme, avoir une influence absolue (notamment sentimentale, amoureuse) sur lui, sur elle (→ Jalousie, cit. 27). || L'amour (cit. 11), passion de régner. ⇒ Dominer. || Elle règne dans la maison (→ Divinateur, cit. 2; espionnage, cit. 2). ⇒ Reine, roi (de). — Régner sur ses passions, sur ses instincts. ⇒ Asservir, dominer, maîtriser. — (Animaux). || La jungle où règnent les fauves.3 Il ne dépend pas de nous d'avoir ou de n'avoir pas des passions, mais il dépend de nous de régner sur elles. Tous les sentiments que nous dominons sont légitimes; tous ceux qui nous dominent sont criminels.Rousseau, Émile, V.4 (Le prêtre) ne règne que par le dénûment et il succombe par l'opulence.Balzac, le Médecin de campagne, Pl., t. VIII, p. 438.2 (Mil. XIIe; choses). Avoir une influence prédominante. || Cette justice et cette fraternité que nous voulons faire régner sur le monde (→ Non-sens, cit. 2). || L'amour passionné (cit. 11) dévaste les âmes où il règne. || Faire régner l'erreur dans le cœur des fidèles (→ Arracher, cit. 10).5 Dieu doit régner sur tout, et tout se rapporter à lui. Dans les choses de la chair, règne proprement la concupiscence; dans les spirituelles, la curiosité proprement; dans la sagesse, l'orgueil proprement.Pascal, Pensées, VII, 460.6 Une tristesse paisible, un calme désespéré régnaient sur le cœur de Jean-Paul.F. Mauriac, l'Enfant chargé de chaînes, XV.♦ (1669). Avoir cours, être en crédit ou en vogue. || Au temps où régnait l'amour courtois (cit. 4). || Les opinions qui règnent en France (→ 1. Penser, cit. 7). ⇒ Prédominer. — Impers. || Chez les Turcs, il règne un affreux despotisme (→ 2. Pouvoir, cit. 16).7 (…) l'esprit de recherche qui règne aujourd'hui (…)Buffon, Hist. nat., 1er discours.♦ (1731). Vx. Sévir (en parlant de maladies). || Le choléra régnait dans la ville (→ Quarantaine, cit. 1; et aussi pestilentiel, cit. 1).———III Dans un sens très affaibli. (Sujet n. de chose).1 (1533). S'être établi (quelque part), exister (en parlant des choses abstraites, non matérielles). || L'horrible confusion qui régnait en Allemagne (→ Captif, cit. 2). || Le bon accord (cit. 1) qui règne entre nous. || Faire régner la paix entre… (⇒ Accorder), faire régner l'ordre (⇒ Établir). || La confiance règne (→ Maniable, cit. 4). — ☑ Iron. (Forme exclamative). Vous vérifiez tous les comptes ? Eh bien, la confiance règne ! — L'odeur (→ Offensant, cit. 4), la pénombre (cit. 4), le silence (→ Horrible, cit. 7) qui règne dans un lieu. || La température qui règne à 5 000 mètres de profondeur (→ Fusion, cit. 1).8 Aristote (…) estimait en celui-ci (Théophraste) un caractère de douceur qui régnait également dans ses mœurs et dans son style.La Bruyère, Discours sur Théophraste.9 La propreté qui régnait dans ces différents établissements et leur bon état de réparation attestaient la vigilance du maître.Balzac, le Médecin de campagne, Pl., t. VIII, p. 403.2 (1611). Techn. (archit.). Se dit d'un membre d'architecture ou de décoration qui s'étend tout au long de (qqch.). → Corridor, cit. 1; 1. frise, cit. 1; galerie, cit. 1 et 12; plinthe, cit. 1.10 La maison du Gouverneur (…) est défendue par quelques ouvrages de terre, autour desquels règne un large fossé.Abbé Prévost, Manon Lescaut, II, p. 210.❖DÉR. Régnant.
Encyclopédie Universelle. 2012.